08: Logroño à Nájera

Dans les vignes de la Rioja

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 


Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du Camino. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-logrono-a-najera-par-le-camino-frances-37876911

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en Europe de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours. Cliquez sur le titre du livre pour ouvrir Amazon.

Le Chemin de Compostelle en Espagne. VIIA. De St Jean-Pied-de-Port à León par le Camino francés

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

En surface, le vignoble d’Espagne est le plus grand du monde. Le pays produit de nombreux vins de table, mais plusieurs régions émergent, en vins rouges, parmi les meilleurs vins du monde. Ce sont la Rioja, le Ribera del Duero, un peu plus au sud en Castille, le Priorat en Catalogne. Dans le nord, les vins de Galice sont avant tout des vins blancs.


Source : technorest.org

Les vins de la Rioja sont multiples, car ils proviennent de régions distinctes aux climats, aux altitudes et aux sols variés. Dans les régions plus basses, ils sont souvent fruités, à boire jeunes. Quand les vignes sont plus hautes et que les sols sont plus pauvres, les vins sont plus complexes, des vins de garde.

On divise habituellement la Rioja en trois régions.
• La Rioja Alta: région entre 400 et 500 mètres, moins chaude, avec une influence climatique atlantique, impliquant fraîcheur et humidité, ce qui est mieux pour les vins. Le cépage roi est le tempranillo (temprano veut dire “tôt” en castillan).
• La Roja Alavesa: climat semblable à la Rioja Alta, mais le sol est plus rocheux, donnant des vins aussi fins, mais plus ronds et plus denses qu’en Rioja Alta. Le cépage roi est encore le tempranillo.
• La Rioja Baja : vignoble plus chaud, descendant jusqu’à 300 mètres d’altitude à l’est de la région, avec un climat plutôt méditerranéen, avec un ensoleillement important, voire de la sécheresse. Les vins sont plus charpentés. Le cépage roi est le grenache.


Source : Cellartours.org

Allez, ce n’est pas faire injure à la Rioja Baja, mais les grands crûs, sont surtout dans les deux autres régions, et plus particulièrement dans les vignobles près de l’Ebre. Si les caves très connues Marqués de Riscal et Marqués de Murrieta sont situées non loin de Logroño, d’autres caves très connues, comme les caves Marqués de Cáseres, Muga, Lan, Roda sont en Rioja Alta, et Artadi en Rioja Alavesa. Mais, ce n’est pas si évident que cela. Considérez par exemple un vin parmi les mieux notés, un vin de la cave appelée “Rioja Alta”, simplement. Ce domaine appartient à cinq familles depuis 1890. Ces gens-là ont 470 hectares dans la Rioja Alta, 65 hectares dans la Rioja Alavesa, 63 hectares dans la Rioja Baja, et même des vignes en Galice et dans le Ribeira del Duero. Ils ne vous diront pas facilement où est située la parcelle qui donne le meilleur vin.

On classe les vins, comme en de nombreuses autres régions d’Espagne en “Rioja” quand le vin passe au plus quelques mois en baril de chêne, en “Rioja Crianza”, quand il est vieilli au moins deux ans, dont au moins un an en fût de chêne, en “Rioja Reserva”, avec trois ans de vieillissement, dont un en fût de chêne, enfin en “Rioja Gran Reserva” avec au moins deux ans en fût de chêne et au moins trois ans en bouteille.

Aujourd’hui, malheureusement les vignes de la Roja Alta, où le chemin passe dans la partie sud du vignoble, il faudra les voir sous la pluie. L’Espagne, ce n’est pas la porte à côté. Quand on part pour l’Espagne, on fait le parcours d’une traite. Et le temps, on ne le choisit pas. C’est sans doute le parcours le plus pénible, dans la boue, que nous ayons affronté sur le Chemin de Compostelle. Aujourd’hui les champs de céréales se font beaucoup plus discrets, et de vigne en vigne, le chemin arrive à Nájera, une ancienne capitale de la Navarre, devenue castillane pendant des siècles, avant de se trouver en Rioja depuis peu.

Difficulté du parcours : Les dénivelés aujourd’hui (+375 mètres/-274 mètres) sont faibles pour une étape de plus de 28 kilomètres. Le Camino francés reste un parcours de faible dénivelé, même si aujourd’hui, on ne marche pas vraiment sur le haut plateau, mais plutôt sur des collines. C’est plat jusqu’au parc de la Grajera, où alors le parcours monte de manière assez soutenue dans les vignes jusqu’à l’autoroute. Par la suite, le parcours est sage pendant longtemps, le plus souvent en très légère montée, avant de grimper un peu plus sous l’Alto de San Antón, après Ventosa. En fait, la difficulté majeure, c’est le mauvais temps qui rend les chemins très boueux. Puissiez-vous profiter des vignes par un jour de beau temps.


Dans cette étape, il n’y a pas mal de route, ce qui n’est pas commun sur le Camino francés, même si la grande partie du trajet se passe encore sur les chemins. En Espagne, en dehors des villages et des villes, les routes goudronnées, pour la grande majorité, comportent des bandes herbeuses ou de terre sur les bas-côtés. Ainsi, le Camino francés est avant tout un vrai chemin, si on le compare aux autres chemins de Compostelle en Europe, où les parcours ne sont qu’à moitié sur les chemins :

  • Goudron : 11.9 km
  • Chemins : 16.6 km

Nous avons fait le parcours jusqu’à León d’une traite, dans un printemps froid et pluvieux. Dès lors, de nombreuses étapes ont été faites sur un sol détrempé, le plus souvent dans la boue collante.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Le Camino sort de la ville.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Aujourd’hui, il pleut sur la Rioja et les prévisions du temps pour la semaine sainte ne sont pas bonnes pour toute l’Espagne. Vent, pluie, froid, voilà les réjouissances annoncées, avec peut-être quelques éclaircies. Le Camino s’en va de la Plaza Alférez Provisional, où nous sommes arrivés la veille, et s’en va dans la ville neuve sur la longue Calle Marqués de Murieta, puis sur la Calle Duques de Nájera. Ce que l’on constate, c’est que cette partie de la ville est cossue, avec des bâtiments modernes bien agencés.
Au bout de la rue, il arrive au parc de L’Europe sous les peupliers et là il traverse la voie de chemin de fer.
Au Parque de l’Europe succède le Parque San Miguel, sur des pavés qui ne glissent guère même sous les trombes d’eau qui s’abattent sur les pèlerins, les seuls courageux présents à ces heures du petit matin.
Il y a d’agréables plans d’eau. On devine que le monde doit se presser dans ce parc agréable par beau temps. Mais aujourd’hui ne sera pas jour à promener les poussettes.
Le parc s’étend longtemps jusqu’à la grande banlieue, quand alors le Camino quitte la ville en passant sous la LO-20, l’autoroute de contournement. Quand il pleut en trombes, ce n’est pas le temps à sortir sa caméra toutes les minutes. Il vous aura fallu près de 4 kilomètres pour sortir définitivement de la ville. On dira que la banlieue de Logroño est peut-être la plus agréable et la mieux entretenue parmi les villes que nous avons visitées sur le chemin espagnol.

Section 2 : En passant par le beau parc de la Grajera.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Une petite route s’en va fort longtemps dans la plaine. Ici, on retrouve la symbolique du Chemin de Compostelle sur les poteaux de granite, celle que l‘on avait trouvée en arrivant à Logroño. Maintenant, la pluie redouble, et le vent s’engouffre sous les pèlerines.
La route traverse les prés et les champs de céréales sous les peupliers. Ici, on a ajouté des peupliers blancs aux peupliers noirs. On y trouve aussi des érables et des amandiers.
Il y a même des bancs pour faire une pause. Mais aujourd’hui, on ne prendra pas garde.
Beaucoup plus loin, la route rectiligne tourne à l’approche d’un bois de pins et de cyprès.
La route arrive alors au parc de la Grajera, au milieu des joggeurs qui apparemment ne détestent pas le crachin.
Au parc, il y a tout le nécessaire pour faire plaisir aux familles.
C’est un très beau parc avec un grand plan d’eau. On imagine que sous le soleil le lac ne se teinte pas de cette couleur grise, sinistre. Mais, le mauvais temps ne doit pas déranger les poissons. Aujourd’hui seuls les pêcheurs sont actifs dans les alentours.
Le parc abrite une salle didactique et un observatoire d’oiseaux. Ce parc est magnifique, même sous la pluie. Un chemin sillonne la forêt de pins, où grimpent aussi jusqu’au ciel d’énormes peupliers noirs et des érables. Il y a même des eucalyptus par ici.
Plus loin, le chemin se fait plus large sous les pins, dans la grande douceur du parc, aujourd’hui grandement perturbée.
On arrive au bout du parc, et le ciel devient encore plus noir, couleur d’encre. La pluie se met à redoubler de violence, froide, et un vent terrible de face se joint aux réjouissances. L’eau ruissèle sur les pèlerines et goutte sur les fronts. Alors, un abri permet à certains de réajuster leur matériel de pluie. Mais, c’est peu de chose dans cette tourmente.
Une route vigneronne quitte alors le parc pour gagner les vignes de la Rioja alta.
Aujourd’hui, nous n’aurons pas envie d’aller voir si le tempranillo pousse à côté du monastel, ou alors de consulter Internet pour savoir si Parker a distribué des notes au-dessus de 90 dans cette région du vignoble. Mais, cette région, même si elle peut donner de bons vins, personne n’en doute, n’est pas la terre d’élection des plus grands crûs de l’appellation Rioja.
Alors, la route, qui se transforme vite en chemin de terre, commence à monter dans le vignoble.

Section 3 : Des vignes et des autoroutes.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans problème, mais deux petits tronçons à forte pente, juste avant l’autoroute et puis pour monter à Navarrete.

Plus haut, un chemin caillouteux, qui ravine progressivement, remplace le goudron et continue à monter dans le vignoble. La pente est rude lorsque le chemin arrive à la hauteur de la LO-20, l’autoroute de contournement de Logroño. Aujourd’hui, c’est un véritable combat. Le vent est si violent qu’il s’engouffre sous les capes mal fermées, et la pluie gicle au visage.
Il fait presque nuit sur le chemin détrempé qui longe la bretelle. L’atmosphère y est sinistre, presque cauchemardesque. Puissiez-vous passer ici un jour de beau temps, même si l’autoroute sera toujours plus visible.
Dans cette zone industrielle, même le taureau perché sur la colline, l’emblème de l’Espagne que l’on retrouve souvent le long des autoroutes, ne donne le moins réconfort aux pèlerins qui maugréent sous leur cape. Nous n’avons guère rencontré de pèlerins dans cette étape qui disaient aimer l’Espagne.
Plus loin, la bretelle prend une autre direction et alors apparaît la N-120. Le pèlerin va entamer un petit bout de sérénade avec cette nationale. La N-120, certains francophones la baptisent “la haine sans vin” va devenir pour certains un véritable cauchemar pour un nombre infini de jours. Pour le plaisir, cette route va jusqu’à Vigo, au fond de la Galice, au bord de la mer. Mais rassurez-vous, on l’abandonnera en route.
Pourtant ici, le plaisir sur cette route sera bref, et rapidement on retrouve un chemin de terre, aujourd’hui embourbé à souhait, qui descend dans les vignes. La terre ici est rouge, avec ses gros galets calcaires, un terrain idéal pour le vignoble et pour ses godasses, non ?
Devant soi, on devine Navarrete, noyé dans la brume et l’averse sur la colline.
Le chemin se rapproche jusqu’à croiser l’autoroute vasco-aragonaise. La région est un vrai tissu d’autoroutes et de routes nationales.
Après l’autoroute, le Camino emprunte une petite route qui passe devant les ruines d’un ancien hôpital de pèlerins, St Juan de Acre, fondé vers la fin du XIIème siècle pour héberger et prêter assistance aux pèlerins. Des fouilles ont permis de mettre à jour les murs principaux de l’ancien hôpital, une grande église et une tour, ainsi que quelques sépultures. San Juan de Acre (Saint-Jean d’Acre) est le nom que les Chevaliers de l’Ordre de Malte ont donné à l’ancienne ville israélienne d’Acre après sa capture lors de la troisième croisade. Au XIXème siècle, l’hôpital fut détruit et les vestiges utilisés pour la construction. Le porche d’entrée magnifiquement sculpté a été repositionné comme la porte du cimetière que nous trouverons à la sortie de Navarrete.

Jouxtant l’édifice se dresse une grande cave. On ne veut pas faire de publicité, mais on dira qu’ici, le domaine de Don Jacobo, associé aussi au chemin de Compostelle, produit un des vins les plus célébrés de la Rioja.

La route se rapproche alors du village de Navarrete, agrippé à la colline.

Section 4 : Un joli village, avant le retour dans les vignes.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : montée en pente douce.

La route monte en pente assez soutenue vers le village et des escaliers mènent au bas du village. La cité fut fondée par le roi de Castille dans le cadre d’un plan de défense de ses frontières, et le nom a un lien avec le royaume voisin de Navarre, le mot Nafarrate en basque signifiant “Porte de Navarre”. Lorsque le roi Alphonse VIII de Castille, au XIIème siècle, récupéra cette partie de La Rioja du royaume de Navarre, il proposa aux habitants des anciens villages de la zone d’en faire un lieu défensif, qui prit le non de Navarrete, pour une meilleure défense contre la Navarre.
Les pèlerins hâtent le pas pour trouver à l’“albergue” un peu de réconfort pour éviter un instant la pluie. Disons-le franchement. Par temps de pluie, l’atmosphère est discrète, contenue dans les cafés. Tout le monde songe, hélas, au moment où il faudra à nouveau harnacher sa pèlerine.
Au début du XVIe siècle, l’ancienne église de Navarrete, située au sommet de la colline à côté du château, était déjà inconfortable et petite. Ainsi, on jugea approprié de demander une licence à l’évêque de Castille pour construire une autre église dans un endroit plus large et plus bas. Mais l’église devint trop petite au XVIème siècle. L’actuelle Iglesia de la Asunción est une église Renaissance de taille considérable, dont la construction a duré près d’un siècle, achevée au XVIIème siècle, avec la tour à flèche pyramidale, Il fait si sombre à l’intérieur de l’édifice que l’on voit à peine briller les ors et les bronzes de l’autel baroque dont on vante la beauté.

Organisera-t-on un jour des défilés de haute couture pour vanter les équipements de pèlerins sous la pluie ? Si oui, ce dernier aurait sans doute eu la palme.

Dans le village, on retrouve de très nombreuses maisons aux briques apparentes.
A la sortie du village, le Camino retrouve pour quelques hectomètres la N-120.
Le Camino passe devant le cimetière qui possède le très beau portail qui hésite entre le roman et le gothique du XIIe siècle, avec des influences mudéjares, arabisantes, qui provient de l’ancien hôpital San Juan de Acre.
Alors, le Camino longe quelques moments la N-120, avant de partir sur un chemin de terre.
On y voit quelques arbres fruitiers le long du chemin détrempé.
Plus loin, le parcours quitte la route pour les oliviers et les vignes, avec la joie incommensurable de patauger dans la boue. On se décrottera le soir à l’“albergue”. Au détour du chemin, un pèlerin s’est glissé subrepticement sur une borne.
On s’enfonce jusqu’à la cheville dans la boue qui tapisse le sentier. La boue s’attache à vous inlassablement, vous engloutit, vous entrave. Sous la pluie qui cingle, vous n’avez même plus envie de regarder les vignes alentour, engouffrés sous votre capuchon qui pleure à grosses gouttes.
Il pleut maintenant si fort que parfois le chemin se transforme en vrai lac et les galets luisent dans les vignes. C’est un petit jeu de canard sur près de deux kilomètres. Rien que cela !
Le petit jeu exténuant se perpétue jusqu’à approcher du domaine vinicole de Sotes.
Ici, un petit tronçon de route goudronnée. Alors, on voit certains pèlerins se frotter longuement les chaussures dans l’herbe, puis avancer sur le goudron salvateur.

Section 5 : Un petit bout d’autoroute pour varier le plaisir, puis à nouveau les vignes.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : juste un petit effort après Ventosa.

Mais, le goudron salvateur ne dure pas une éternité…
…et pour nous aujourd’hui, la boue reprend ses droits peu à près, lorsque le Camino arrive près de l‘autoroute A-12, la grande autoroute du nord qui descend de la France vers Burgos. C’est l’Autovia del Camino, l’autoroute du chemin de Compostelle, celle, où quand vous passerez peut-être en été, vous verrez défiler une armée de pèlerins sous la canicule.
Ici, vous en avez pour près de 2 kilomètres à cheminer entre les vignes et l’autoroute. Ici, nous ne sommes pas en Allemagne, où les camions avancent en file. La circulation est discrète. En Espagne, il n’y a pour ainsi dire pas de villages ou si peu entre les villes. Dès lors, les gens ne sortent pas souvent de leur périmètre d’activité.

Le vent et la pluie s’acharnent et vous n’avez qu’une hâte, sortir enfin de votre prison d’argile rouge ou grise qui vous englue.

Au bout d’une ligne droite sans fin, le chemin quitte l’autoroute et on voit apparaître des champs de céréales au milieu des vignes. Ici, le Camino repart sur une route goudronnée direction Ventosa. Autrefois, un chemin continuait le long de l’autoroute. A-t-on eu pitié des pèlerins en détournant le chemin vers le village ? Ou était-ce pour donner un peu plus de pouvoir d’achat au village ?
La route mène assez rapidement au village de Ventosa. Le village avait un hôpital de pèlerins au XIIème siècle. Son église gothique du XVIème siècle, dédiée à San Saturnino est à l’écart du chemin, dans le village. Avec la pluie qui s’acharne, nous n’y ferons pas le détour.
Dans ce village de vignerons, des indications de chemins dont on n’a pas compris la signification. Mais enfin, il suffit de suivre les coquilles pour ne pas se perdre !

Aussitôt, un chemin repart du village dans les vignes.

On n’y voit goutte aujourd’hui dans la pluie qui redouble et le brouillard qui se traîne. Et quand on marche dans la boue, la difficulté est de décoller la semelle engluée et le pied pèse des tonnes.
Plus loin, le Camino vous fait un petit plaisir vous donnant la possibilité de vous réchauffer. Il quitte momentanément le vignoble pour monter assez longtemps dans les broussailles, les gros cailloux et les chênes verts pour passer sous l’Alto de San Antón.
L’Alto de San Antón est le site d’un ancien hôpital de pèlerins établi par l’Ordre des Antonins. Il n’en reste rien de l’hôpital ni du monastère qui lui était associé. Un peu plus loin le chemin quitte le maquis, les gros calcaires ocres et monte encore un peu, retrouvant le vignoble.

Section 6 : Encore et toujours dans les vignes de la Rioja.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : de la descente avant tout, sans difficulté, même si la pente est parfois plus importante.

Dans les vignes riches d’argile rouge et de gros galets de calcaire, les ceps sont parfois organisés sur fils ou palissages, mais très souvent aussi libres de toute contrainte.
Plus loin, le chemin redescend alors dans les vignes pour passer de l’autre côté de la N-120 sous les peupliers noirs. La route nationale chemine ici pas très loin de l‘autoroute A12. Par bonheur pour nous, maintenant il a cessé de pleuvoir et le brouillard s’est dissipé, mais le sol demeure détrempé jusqu’à la moelle.
Le chemin va alors longer la route nationale N-120 dans le vignoble. En été, cela doit être coton par ici. Pas un arbre pour se protéger, ou si peu.
Des systèmes d’irrigation courent dans les vignes. Ici, on protège les nouveaux ceps. Y a-t-il des animaux qui errent dans la région?
Peu après, le chemin quitte la route nationale pour s’enfoncer un peu plus dans les vignes. Là-bas, devant vous, l’antenne de télévision sur la colline va devenir votre point de repère pour quelques dizaines de minutes.
C’est long, très long jusqu’à l’antenne. On ne dira jamais assez l’utilité des points de repère dans les longueurs du chemin. Le fait de s’en rapprocher encourage de nombreux pèlerins à mettre un pas devant l’autre. En-dessous, une zone industrielle se dessine là où passe la N-120.

Section 7 : En route pour la citadelle de Nájera.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : de la descente avant tout, sans difficulté, même si la pente est parfois plus importante.

Le chemin contourne alors la colline et son antenne dans les vignes.
Peu après, il descend de l’autre côté dans un large chemin, parfois en pente plus soutenue.
Plus bas, c’est le Poyo de Roldán, poyo signifiant colline. Cela ressemble à un tas de cailloux sans grande importance. Le lieu est lié à une légende similaire à celle racontée dans l’Ancien Testament et qui perdure jusqu’à nos jours. On dit que dans le château de Nájera vivait Ferragut, un géant syrien descendant de Goliath, qui vainquit les meilleurs guerriers de Charlemagne à l’exception de Roland (Roldán), neveu de l’empereur, venu en ce lieu pour libérer les chevaliers chrétiens emprisonnés par le géant. Alors qu’il était sur un banc, il vit le géant assis à la porte de son château et lui lança une lourde pierre qui le frappa au front causant sa mort. Depuis lors, cette colline a acquis son nom. Une référence à cette légende se trouve dans deux chapiteaux du village de Navarrete. C’est aussi l’endroit où un énorme trésor serait caché, en guise de paiement des habitants locaux aux capitaines français de Roland.

Une autre version vient du Codex Calixtinus, dans le livre 4, au chapitre XVII. Il est dit que Ferragut, dans un moment de trêve, aurait confié à Roland son secret d’invulnérabilité. Il ne pouvait être blessé qu’au nombril, méthode que ce dernier utilisa pour mettre fin à ses jours en le poignardant avec un poignard et en libérant les chrétiens. Cette scène est visible dans l’ancien palais des rois de Navarre à Estella. Que sont belles les légendes ! Un autre c’était le talon, lui c’était le nombril. En tout cas, ce mythe a imprégné le monde jacobéen, qui a représenté les deux personnages dans divers monuments. Au bas de la descente, le chemin arrive dans une zone industrielle. Pour le bonheur des pèlerins, aujourd’hui la pluie a cessé.

Le chemin descend alors vers la zone industrielle qui est loin de monter du charme, comme le font souvent presque toutes les banlieues. Ici, le chemin arrive à un carrefour près d’une gravière.
Au carrefour, le Camino continue tout droit.
Ici, il faut être attentif, le chemin n’est pas très bien indiqué. On voit de nombreux pèlerins qui se trompent. Il faut trouver le petit pont de bois qui traverse le Rio Yalde…
…et continuer sur le terrain vague, passer sous les piles d’un pont et retrouver juste derrière un petit parc de pique-nique.
L’approche de la cité n’est pas la plus élégante qui soit, dans les friches, la zone industrielle, près d’une grande fabrique de farines.
Peu après, le chemin traverse un canal et dans les friches se dirige à nouveau vers la N-120.
Le parcours traverse alors la N-120 qui contourne la cité et continue sur un large chemin de terre vers la banlieue.
Peu après, le Camino pénètre dans la partie nouvelle de la cité (8’000 habitants).

Section 8 : Petite visite de Nájera.

 

Nájera est divisée en deux parties séparées par le Rio Najerilla. Le Camino traverse d’abord la ville neuve que l’on dira être, sans faire injure aux habitants de la ville, une partie sans grand intérêt.
Peu après, le Camino arrive sur la rivière. Alors apparaît la vielle ville au pied des falaises rouges. Les arabes lui ont donné le nom de Náxara (lieu entre les rochers). Il y avait ici au XIIème siècle, un beau pont à sept arches construit par Santo Domingo de la Calzada et San Juan de Ortega, qui ont tant fait pour le chemin de Compostelle. Ce pont a disparu depuis longtemps, et l’actuel pont date de la fin du XIXème siècle.

Au départ des musulmans, la ville fut reprise par Ordoño II de Galice et León pour son allié, Sancho I Gracés, roi de Navarre. Mais, à cette époque, les musulmans pillèrent et détruisirent Pampelune, forçant le roi à déplacer la cour de Navarre à Nájera. Au XIe siècle, le roi Sancho III modifia la route du Camino afin que Nájera devienne une étape importante pour les pèlerins de passage. Elle fut la capitale du royaume de Navarre aux XIe et XIIe siècles. Elle resta la capitale de la Navarre et de La Rioja jusqu’à la fin du XIème siècle, quand La Rioja devint une partie de la Castille. Mais, comme on l’a dit plus haut, la Rioja a passé le plus clair de son histoire jusqu’à l’autonomie de 1982 sous la domination castillane.

Il ne reste pas grand-chose de son rang d’ancienne capitale. Mais, la vielle ville est pleine de charme. Ici, vous n’avez pas besoin de plan détaillé pour circuler dans la cité. Il suffit de vous orienter par rapport à la Calle Mayor, la belle rue commerçante.
L’église Santa Cruz, l’église paroissiale était au XIIème siècle une chapelle dépendant du grand monastère de Santa Maria Real. Il fallut attendre le XVIème siècle pour qu’elle devienne indépendante. Cet édifice en pierre de taille mélange tous les styles, du gothique au néo-classique, mais se remarque surtout par sa coupole et sa lanterne, et son beau Christ. On préparait ici aussi, à notre passage, les statues pour les processions de la Semaine Sainte. Hélas, on sait qu’il faudra les ranger pour une année prochaine, si le temps le permet à nouveau.
Mais, le monument de la ville, c’est le Monastère Santa Maria la Real, fondé par le roi de Navarre au XIème siècle, le roi Don García de Nájera en hommage à la Vierge, dont il découvrit, ici à la chasse aux colombes, une statue dans une grotte. Le roi ordonna la construction de l’édifice en tant que siège épiscopal, caveau familial et monastère à l’origine pour les moines de l’Ordre de San Isidoro. L’église romane d’origine avec des influences mozarabes fut consacrée à la fin du XIème siècle. Les murs étaient hauts pour les besoins défensifs et les contreforts fonctionnaient comme des bastions. Érigée sur les restes d’une ancienne église romane, l’église actuelle est gothique, complètement refondée aux XVème et VIème siècle, où les styles gothique et Renaissance s’entremêlent. Vue de l’extérieur, l’édfice apparaît sévère, comme une grande forteresse, avec une grande tour quadrangulaire. Mais, en fait, ce bâtiment austère est un panthéon royal. Il comprend le Panthéon royal des rois de Navarre et plus tard de Castille et León. Plus de 30 membres de la famille royale y sont enterrés. Il abrite également le mausolée des ducs de Nájera. Les photos avec flash étant prohibées, nous ne pourrons vous montrer d’images de l’église, du cloître baroque, de la grotte et des tombeaux romans des têtes couronnées, décorés avec autant de grâce et de finesse. Mais, c’est magnifique, allez-y.

Puis, au cours des siècles, au fur et à mesure que la popularité du Camino de Santiago diminua, la fortune du monastère diminua également. Au début du XIXème siècle, le monastère subi des attaques et des pillages tant par les troupes françaises que par la guérilla pendant la guerre d’indépendance. Au début du XIXème siècle, par pression anticléricale, les moines durent abandonner le complexe monastique, qui fut alors vandalisé et subit d’importants dégâts. Le bâtiment fut ensuite utilisé comme entrepôt, école et caserne, jusqu’à ce qu’il soit déclaré monument historique artistique national en 1889.

Annexée au couvent de Santa Clara, se dresse l’église Maria de Dos, un complexe construit au XVème siècle pour servir d’hôpital des pauvres et des pèlerins. Aujourd’hui, l’église et la maison sont la propriété privée des descendants des fondateurs et la confrérie.
L’originalité de la cité est sans doute cette grande muraille de schistes argileux, de gros blocs rougeâtres contre laquelle est adossée la cité. C’est comme un décor de western planté dans la nature. Ces grosses parois, que sont la Mota et la Malpica en dessus de la ville, où volent les vautours et les cigognes, sont de véritables Emmental (Le Gruyères n’a pas de trous !!!), créés par les pluies qui attaquent avec plaisir ce matériel friable, un univers où se sont réfugiés durant des siècles les vagabonds. Mais le pèlerin n’a guère de temps pour la spéléologie. Et il a recommencé à pleuvoir. Le château de la Mota, l’Alcazar et le Malpica, peut-être reviendra-t-il faire une visite, se balader là-haut dans les anciennes forteresses et les châteaux en ruines de la ville, construits par les musulmans d’abord, puis par les rois de la région. Ce soir, il se contentera de fantasmer à ce propos depuis l’“albergue”.
Bien sûr, la beauté et le charme des lieux est toujours fonction du temps. Voici à quoi ressemble la grande muraille de schistes au bord de la rivière à une autre période, par temps clément.
Dans ces conditions, les deux monuments de la ville paraissent mois austères.
Et le temps se prête alors pour permettre de regrouper les gens au bord la rivière, les jours de fête.

Logements


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Etape suivante : Etape 9:  De Nájera à Santo Domingo de la Calzada
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