10: Santo Domingo de La Calzada à Belorado

Longue vie à la N-120

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du Camino. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-santo-domingo-de-la-calzada-a-belorado-par-le-camino-frances-33790819

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en Europe de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours. Cliquez sur le titre du livre pour ouvrir Amazon.

Le Chemin de Compostelle en Espagne. VIIA. De St Jean-Pied-de-Port à León par le Camino francés

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Aujourd’hui, le Camino va quitter la Rioja pour passer pendant de très nombreuses étapes dans la Castille y León, la région la plus étendue d’Espagne. Dans les confins de la Rioja, les vignes ont disparu pour faire place aux incroyables surfaces à céréales de la Meseta.

La Castille y León fait remonter son histoire aux royaumes médiévaux de Castille et León, aux environs du Xème siècle. Avec les Asturies et la Navarre, ils ont participé à la Reconquista, pour reconquérir la péninsule ibérique aux musulmans. Les deux royaumes ont été unis par intermittence jusqu’à fusionner définitivement au XIIème siècle. La première union dynastique de León et de Castille a eu lieu au XIème siècle, lorsque Ferdinand Ier, le comte de Castille, réclama la couronne de León. Bien qu’il se promût empereur de toute l’Espagne, l’union s’acheva à sa mort, lorsque la Castille, León et la Galice se furent partagées par ses fils qui se battirent à mort, se partageant l’empire. Il fallut attendre Ferdinand III de Castille, plus tard canonisé comme San Fernando, pour que se réalisât l’union définitive des deux couronnes.

Allez, on dira qu’aujourd’hui, on va pouvoir se faire une idée plus précise, plus nette que celle que l’on a lu dans les guides, de ce que sera la suite du parcours jusqu’à León pour de nombreuses étapes, avec quelques exceptions. Car ici, vos pieds mesureront directement l’espace et la géographie. Vous aurez aussi un avant-goût très probant de ce qu’est la N-120, cette route qui traverse le pays depuis ici et qui va jusqu’à la mer. Vous aurez beaucoup de temps à disposition pour l’apprivoiser, et, qui sait, la dompter dans votre imaginaire.

Difficulté du parcours : Les dénivelés aujourd’hui (+308 mètres/-195 mètres) sont faibles. Il n’y a pas de grandes difficultés sur le parcours, tout au plus quelques ondulations un peu plus prononcées entre Castidelgado et Viloria, mais rien de méchant.


Dans cette étape, la grande partie du trajet se passe sur les chemins, souvent le long de la N-120. En Espagne, en dehors des villages et des villes, les routes goudronnées, pour la grande majorité, comportent des bandes herbeuses ou de terre sur les bas-côtés. Ainsi, le Camino francés est avant tout un vrai chemin, si on le compare aux autres chemins de Compostelle en Europe, où les parcours ne sont qu’à moitié sur les chemins :

  • Goudron : 5.2 km
  • Chemins : 17.0 km

Nous avons fait le parcours jusqu’à León d’une traite, dans un printemps froid et pluvieux. Dès lors, de nombreuses étapes ont été faites sur un sol détrempé, le plus souvent dans la boue collante.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Le long de la N-120.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.


Aujourd’hui, la météo est favorable. On annonce le beau temps sur la Rioja, mais les prévisions pour la fin de semaine sainte sont exécrables. Le chemin quitte la cathédrale de Santo Domingo et continue sur la Calle Major.

… et continue sur la Calle Major, de l’autre côté de la ville, dans une partie de la ville moins historique.
Il rejoint alors le couvent San Marco, à l’extrémité de la ville.
A la sortie du bourg, le Camino passe près de l’ermitage du Pont, une chapelle néo-romane, dédiée à Santo Domingo, érigée au début du XXème siècle, près du Rio Ojo. Toute cette région était jadis un grand marécage, que le bon saint modifia pour le passage des pèlerins. Cette chapelle est le lieu symbole du travail colossal effectué par le saint. Le Puente de Santo Domingo (alias Puente del Santo) est construit au même endroit où Saint-Domingue construisit le pont au Xème siècle.

Le Camino part alors dans les céréales sur un large chemin de terre, pour quelques centaines de mètres sur la droite d’une petite départementale qui quitte la ville pour rejoindre peu après la N-120 qui contourne la ville.
Peu après, il la traverse pour se retrouver à gauche de la route.
Et tout ce gentil petit monde de pèlerins s’aligne le long de la route, le long des canaux d’irrigation. A cette période de l’année, les tournesols sortent à peine de terre. Mais, cette région est connue pour ses tournesols.
Parfois un véhicule passe. On raconte que les automobilistes aiment klaxonner, baissent la vitre et encouragent les pèlerins. Mais ici, ils doivent être lassés de le faire. Ils en voient des centaines défiler tous les jours.

Quelques buissons, de rares peupliers noirs et le soleil qui inonde cet univers de céréales sur les douces collines. On a un peu de pitié, par anticipation, pour les pèlerins qui passeront par ici en été. Aujourd’hui, il fait 12 degrés en Rioja.

Dans la Meseta, les pèlerins sont assez discrets, si ce n’est certains américains bavards. Ils s’économisent peut-être. Cela changera beaucoup plus loin en Galice.
Nos amis coréens sont maintenant presque intégrés dans le paysage qu’on pourrait les croire espagnols.

Plus loin, une croix, un banc presque à l’ombre sous les arbres, et certains font déjà la pause.

Section 2 : Le Camino va oublier un moment la N-120.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Au niveau de la croix, nous sommes au point de jonction de la départementale et de la N-120. Dorénavant, la N-120 va devenir notre grande affaire. Ici, un suisse arbore fièrement un ours sur son bagage, symbole de son canton de Berne.
Des champs de céréales à droite, des champs de céréales à gauche, et au milieu déferlent les pèlerins sur le large chemin en compagnie de la route nationale. Que du bonheur, non ?
Plus loin, le chemin de terre se rapproche alors d’un ouvrage pour traverser le ruisseau de Majuelos. Devant vous se dessine le village de Grañón.
Après le ruisseau, le chemin monte sur la butte à côté de la route nationale.
Dans ces étapes où aucun obstacle naturel ne vient troubler l’espace, la monotonie et l’uniformité des lieux, vous aurez souvent le sentiment d’être tout près du but. Mais, cela n’avance pas vraiment. Pour vous, le village est toujours aussi loin.
Pourtant, un virage et le village apparaît tout là-haut sur la colline au bout de la route goudronnée.

Grañón est le dernier village de la Rioja avant de pénétrer en Castille. C’est un village important, la preuve il y a même une pharmacie, qui signe toujours les vrais villages dans toute l’Europe. Grañón a toujours été une cité frontalière. Elle remonte au IXème siècle, lorsque le roi de León y construisit un château. Elle fut impliquée dans des luttes territoriales entre les rois de Navarre et de Castille à la fin du XIème siècle.

Bien sûr, quand on passe dans le village, en fait une longue rue pavée, on ne peut deviner qu’à aucun moment, au Moyen-âge, il y avait ici un château, des murailles. La cité appartenait à la Castille et le Chemin de Compostelle a été pour beaucoup dans son essor. Santo Domingo de la Calzada a détourné le chemin pour le faire passer par ici. Vous voyez que les itinéraires du chemin ont toujours été une question politique et économique. Rien n’a vraiment changé depuis le Moyen-âge.

Au milieu du village, l’église San Juan Bautista possède encore des fonds baptismaux de l’église originale du XIIème siècle, mais celle-ci a été construite entre le XVème et le VIème siècle. Tout est sombre et sombre dans cette église, ouverte pour une fois.
La rue droite et étroite se prolonge bien au-delà de l’église.
A la sortie du village, le paysage s’ouvre sur les collines de la Castille-y-León, verdoyantes de céréales au printemps. Nous ne serons donc pas restés longtemps dans la Rioja, juste pour avoir noté qu’il y a des vignobles, même si le parcours n’a pas traversé la région des grands crûs de la Rioja, qui sont plus près de l’Èbre. Mais, vous saurez au moins situer le pays lorsque vous tomberez sur une bouteille de rioja dans votre supermarché préféré.
Peu après, un large chemin, on dirait une autoroute, descend alors de la colline vers la plaine. A l’horizon passe la N-120.

Section 3 : De la Rioja à la Castille y León.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes peu conséquentes.

Au bas, il franchit le modeste ruisseau de Villar Medio et remonte le flanc de la colline de l’autre côté.
Ici, il n’y a plus de vignes, il n’y en a d’ailleurs plus depuis Santo Domingo de la Calzada. Il n’y a que l’immensité des champs de céréales et de tournesols. Pour l’espace, l’infini, le néant, diront certains pèlerins grincheux, réjouissez-vous, ici cela ne fait que commencer sur le chemin qui monte doucement sur la colline. Pas un arbre, pas un seul coin d’ombre à l’horizon.
Au sommet de la colline, un panneau indique que nous sommes en Castille y León. Où passe la frontière, pour le pèlerin, peu importe, mais pour le paysan qui a ses champs ici, qui sait ? L’autonomie des régions d’Espagne fait que les impôts ne sont pas les mêmes partout.
Alors, le chemin devient long, très long, presque rectiligne dans les céréales pour aller au prochain village, à Redecilla del Camino. Par bonheur, pour de nombreux pèlerins, la N-120 est un peu à l’écart, ce qui diminue un peu leur déprime. On s’interroge de savoir dans quel univers voyageaient les pèlerins du Moyen-âge. Sans doute il y avait des arbres, avant que les paysans transforment le pays en un désert vert au printemps, brun en été. La seule chose qui est restée est le relief, les collines et les plaines que les hommes n’ont pas encore modifiées.
Envie d’aller là-bas, de marcher et de marcher encore, sur d’interminables longueurs, loin derrière les collines, pour aller se recueillir pour le salut de son âme, auprès d’un saint dont la véracité n’est pas authentifiée, tout ce programme, au Moyen-Âge, on ne se posait guère la question. Mais de nos jours ? Et le chemin file encore, avec un peu plus loin du goudron. On dirait une piste d’atterrissage.
Pourtant, plus loin, le Camino atterrit tout de même au village. Le village de Redecilla del Camino , dont l’existence est documentée depuis le Xème siècle, se trouvait sur l’ancienne voie romaine que Santo Domingo de la Calzada a reconditionnée pour être la route principale des Francs vers le tombeau de Santiago. On la nommait Radicella dans le Codex Callixtinus. Au XVIème siècle, il y avait un hôpital pour pèlerins dans le village.
A l’entrée du village, près d’un mémorial surplombé d’un calvaire la fontaine offre de l’eau fraîche. En fait, dans cette partie de l’Espagne, ce ne sont pas de vrais calvaires, mais des rollos juridictionnels, des colonnes généralement faites de pierre et souvent surmontées d’une croix, marquant des limites de territoire médiéval.
Le Camino traverse alors le village. On voit de plus en plus des maisons faites de briques apparentes, d’autres même en torchis et en pisé. Les villages de Castille ne sont pas opulents, déserts la plupart du temps. Les seuls vivants que l’on voit sont les pèlerins ou les locaux qui servent les pèlerins dans les “albergue”. Il n’y a pour ainsi dire jamais de bétail ici.

Ces villages, pour la plupart, n’ont pas de commerces, ou alors rarement une petite échoppe avec l’essentiel, ou parfois une pharmacie comme ici, mais tous ont une grande église. Il en est toujours ainsi en Espagne sur le parcours. L’église baroque Nuestra Señora de la Calle a été reconstruite entre les XVIIème et XVIIIème siècles, fermée bien sûr.

A la sortie du village, le Camino s’empresse de retrouver la N-120…
… et de traverser peu après le Rio Reláchigo.
Le Camino emprunte alors, pour un bref souvenir, une partie de l’ancienne N-120. Les pèlerins qui ont passé ici jadis se rappellent tous de l‘ancienne N-120, un véritable cauchemar à l’époque. A côté, passe aujourd’hui la nouvelle route nationale N-120, un boulevard peu fréquenté avec ici une circulation un peu plus soutenue. Il en est ainsi car l’autoroute ne passe pas dans les parages.

Section 4 : Rien ne change ici dans le paysage.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : la seule partie du parcours un peu plus tourmentée, mais sans grande difficulté.

Le Camino rejoint vite la nouvelle N-120 et avance sur le chemin de terre sur le bas-côté. Rapidement se profile le village de Castildelgado au bout de la longue ligne droite. Ici, on a dû planter les maïs récemment au milieu des orges et des blés.
Plus loin, le chemin s’écarte un peu de la route nationale, comme pour vous donner l’illusion de respirer un peu mieux. Ce sont les vacances de Pâques, et vous voyez parfois défiler un couple ou un père avec des enfants. Ce dernier a l’air plus coopératif que d’autres camarades du même âge rencontrés en marche. Mais le détour est un leurre, car le chemin arrive bien vite à Castildelgado.
Le village est aussi dépeuplé que les autres villages de la région, aussi pauvre aussi. Il y bien évidemment l‘“albergue” et la grande église.
Il y avait aussi un hôpital pour pèlerins, aujourd’hui en ruine. Le village possède deux monuments. L’église de San Pedro du XVIème siècle est de style gothique tardif. A l’intérieur se trouvent les restes de son fils le plus illustre, Don Francisco Delgado, qui fut archevêque de Burgos. Elle possède une tour élancée et des fonds baptismaux. On ne peut qu’y croire, l’église étant fermée. L’autre monument est l’ermitage de Santa María la Real del Campo, avec sa façade baroque du XVIIème siècle, fermé aussi. Il faut s’y faire, malheureusement.

Les coréens marchent un peu comme des ombres chinoises. On les devine à leur démarche à l’avance. Vous pouvez parler avec eux, du moins avec ceux qui savent quelques mots d’anglais. Ils restent aussi mystérieux que tous les mystères d’Orient. Il faudra bien qu’un jour, ils créent aussi un chemin là-bas chez eux, pour que les européens aillent s’y perdre et peut-être n’y rien comprendre.

A la sortie du village, le programme des prochains kilomètres s’affiche devant vous, à livre ouvert. Vous voyez avec votre œil aiguisé les pèlerins qui défilent jusqu’au prochain village le long de la route nationale. C’est sans surprise, on y va dès que le chemin rejoint la route sous les peupliers noirs, près du ruisseau de San Julian.

Alors, la sérénade avec la route nationale recommence. Au loin, les pèlerins qui avancent ne sont que des petits points immobiles à l’horizon. Et vous n’êtes pas seul sur le chemin. Ici passent aussi les amoureux du chemin européen No1 qui traverse la Castille pour aller au Portugal. Ceux-là, vous ne savez pas qui ils sont. Ils n’arborent pas un écusson européen sur leur sac comme le font certains pèlerins du chemin avec leurs coquilles. Mais, on suspecte qu’ils ne doivent pas être légion.

Plus loin, le Camino quitte l’axe de la route nationale pour une petite route goudronnée qui va vers Viloria de Rioja. Une surprise ici ? Allons-nous quitter momentanément la Castille pour retourner en Rioja, qui aurait poussé un peu sa corne ici. Est-ce la raison pour laquelle la route est goudronnée ? La vie des gens est souvent faire de petits riens, qui ne sont sans importance pour vous, mais décisifs pour eux.
Ici, la N-120 passe plus au large, solitaire.
Quand la route arrive au village de Viloria, on précise Viloria de Rioja. Le village est le berceau de Santo Domingo de la Calzada. Le nom du village est quelque peu déroutant, car il n’est pas situé dans l’actuelle communauté autonome de La Rioja et sa population est entièrement castillane. Le village a ses origines au-delà du XIème siècle, quand il y avait déjà un village nommée Villa Oria. Alphonse VI de Castille annexa La Rioja au XIème siècle. Au XVIème siècle, toute cette région et la majeure partie de ce qui est aujourd’hui la communauté autonome de La Rioja faisaient partie de la province de Burgos au sein du royaume de Castille. La division de l’Espagne en provinces au XIXème siècle a séparé cette partie de la région de La Rioja, qui est devenue une partie de la province de Burgos. Cette partie s’appelait Riojilla car elle est considérablement plus petite que l’autre partie de La Rioja. La Riojilla comprend les villages de Camino de Redecilla del Camino, Castildelgado, Viloria de Rioja, Vilamajor del Río et Belorado.
Pourtant, rien ne distingue un village de la Rioja d’un village castillan. Ce sont les mêmes pauvres maisons de briques et de torchis, la même église, la même “albergue”, sauf qu’ici on insiste vraiment pour rappeler que Santo Domingo est né ici.

On comprend un peu la fierté des gens de Viloria de Rioja. 1019-2019, le millénaire du chemin de Santo Domingo, peut-être, mais quel tapage !

A la sortie du village, la route contourne la colline et redescend vers la N-120 que l’on voit au loin.
Celle-là, on ne l’évitera pas. Aujourd’hui, on est marié avec. Et à tous les points cardinaux, de basses collines sur les quelques s’étendent les céréales. La vertu du printemps est de laisser les champs verts. En été et en automne, c’est plus tôt la tristesse par ici.
Le chemin repart alors le long de la N-120. Ici, un pèlerin fait le point sur son téléphone. Regarde-t-il ses mails ou fait-il un point pour savoir si le chemin a quitté la Rioja pour retrouver la Castille y León ? Les panneaux de direction sur les routes sont angoissants ou rassurants, c’est selon. Ici on apprend que par la route nous sommes encore à 7 kilomètres de Belorado et à 52 kilomètres de Burgos ? “C’est loin l’Amérique, papa” ? “Tais-toi, nage”.

Section 5 : Le long de la N-120 qui ne finit jamais.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Parfois, le chemin et la route dodelinent de concert sur de basse collines, dans un pays sans fin, avec si peu de repères, trop grand et à redécouvrir sans cesse, diront certains, ennuyeux jusqu’à la nausée, diront d’autres.
Par beau temps, ici la vue porte si loin que le découragement n’est jamais loin. En voiture, c’est aisé, vous happez les paysages qui n’offrent que peu d’intérêt. A pied, c’est différent. L’apprentissage est à la mesure de la flânerie ou de la monotonie.
Plus loin, une route qui va vers un village, pas perdu pour tous, coupe l’axe.
Juste après, on voit le village de Viollamayor del Rio. Quand on vous dit qu’il y a peu de repères dans ce désert de céréales. Peu avant le village, le chemin traverse le ruisseau de Villamayor.
A l’entrée du village, le Camino abandonne pour un peu la N-120.
Dans le petit village, vous ne pourrez pas étancher votre soif à la fontaine communale ni visiter l’église de San Gil Abad, construite au XVIIIème siècle en style néo-classique baroque.
A la sortie du village, retour aux champs de céréales et à quelques champs de colza et de tournesols le long de la nationale. A mesure que l’on avance sur le chemin vers Santiago, le flux des pèlerins se dilue. Comme on peut passer la nuit dans tous les villages, certains y font halte, et vous ne les verrez plus. Mais, d’autres arrivent, notamment les espagnols qui occupent aujourd’hui leurs vacances de Pâques.
Quand vous passerez par ici, vous aurez parfois le sentiment de marcher dans le désert, sans dromadaire, sans ombre à perte de vue, sans but et sans retour possible. Mais où sont donc passées les légions coréennes et américaines du début du voyage ? Comme des mirages, évanouies derrière les dunes ? Mais, non. Les pèlerins, pour la plupart, même si le flux se dilue dans les grands espaces, font les mêmes étapes que vous. Vous les retrouverez le soir au coin du feu ou sur les couchettes à étages, dans les “albergue”.

L’étalonnage de la marche est un jeu bien connu des randonneurs. Certains comptent les pas, une façon de passer le temps, comme une sorte de pause au milieu de pensées disparates.

Section 6 : Il y a aujourd’hui Belorado au bout de la route.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Plus loin, le Camino coupe une route qui va vers un village distant.
Et tout au long du chemin, ces bornes de granite qui mesurent la distance. Autant de points de repère inutiles, qui rendent le parcours encore plus long, plus lancinant.
Imaginez le plaisir qu’auront vos camarades de jeu, lorsqu’ils passeront ici dans les blés brûlés, en été ou en automne, avec peut-être la gourde vide, à plus de 40 degrés de température. Alors, on diminue un peu le pas, par compassion, pour ne pas arriver trop tôt à l’“albergue”.
Qu’ajouter de plus à une telle monotonie ? Ah oui ! Qu’on se réjouit d’arriver à la fin de l’étape et que nos camarades qui empruntent le chemin européen no1 partageront vraisemblablement nos états d’âme. Comprenons-nous bien. Ce n’est pas l’immensité, la répétition inlassable des champs de céréales qui pose problème à de nombreux pèlerins. Certains adorent cela, d’autres le subissent sans maudire. Non, c’est la route qui gâche le plaisir, même si la circulation n’est pas effrénée sur l’axe. Les pèlerins n’aiment pas les routes. Ils sont venus pour se ressourcer dans la nature, la vraie nature, pas celle du goudron.
Pour aujourd’hui, le pensum s’achève, Belorado se profilant devant vous.
Peu après, le Camino traverse la N-120 et continue au bas de la colline surmontant le bourg. C’est aussi la direction d’un château en ruines, élevé lors des conflits avec les musulmans au IXème siècle. Une fois les guerres civiles en Castille terminées, on laissa le château se détériorer. Puis, on le démolit encore pour éviter des glissements de terrain. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un tas de cailloux. Aucun pèlerin ne me montera là-haut, si ce n’est pour faire un peu plus d’exercice. Et encore…
Sur les hauts du bourg, on annonce les prix à grand renfort de publicité. Il n’y a souvent guère de doute à ce propos : les premiers sont les mieux servis.
Le chemin descend alors vers le bourg. Belorado est d’origine celtique. Au Moyen Âge, c’était la frontière entre la Castille et la Navarre. C’était même un fief de El Cid. C’est maintenant la capitale de la Riojilla.
Belorado (1’800 habitants) était connue sous le nom de Belforatus, le “bien percé”, dans le guide du Pèlerin. Les rues de la vielle ville sont étroites, souvent tortueuses. Au Xème siècle, la Castille, en remerciement aux habitants d’avoir libéré la cité du roi de Navarre, accorda à la cité de nombreux fueros, dont le privilège de tenir marché le lundi, coutume qui anime toujours la Plaza Mayor. Comme quoi, il y a des privilèges qui traversent les siècles. Soyons réalistes, sans faire injure aux gens d’ici, les pèlerins ne garderont pas longtemps souvenir de cette cité où il n’y a rien à faire et pas grand-chose à voir.
Il y a deux églises, les deux fermées à notre passage. L’église San Pedro, sur la place du bourg, d’origine médiévale a été profondément transformée en style baroque au XVIIIème siècle. L’autre église, Santa María La Mayor, avec son beau mur clocher, refaite en style Renaissance au XVIème siècle, est adossée à la falaise à l’entrée du bourg.

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Etape suivante : Etape 11:  De Belorado à Atapuerca
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