14: Hornillas del Camino à Castrojeriz

Dans la solitude de la Meseta

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du Camino. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-hornillos-del-camino-a-castrojeriz-par-le-camino-frances-33848222

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en Europe de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours. Cliquez sur le titre du livre pour ouvrir Amazon.

Le Chemin de Compostelle en Espagne. VIIA. De St Jean-Pied-de-Port à León par le Camino francés

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

On prétend souvent que la première partie du chemin jusqu’à Burgos, c’est pour les jambes, de la simple mécanique bien huilée. De Burgos à Astorga, tout est pour le cerveau et l’âme, l’introspection totale. Il faut passer Astorga pour que l’esprit et le cœur prennent le relais.

Car la Meseta est définitivement un chemin de grande solitude, qu’il faut meubler. Le chemin de terre est tantôt rouge, tantôt ocre, tantôt blanc. Ici, avec le temps, on a rasé tous les arbres, supprimé les prés et les moutons. Au printemps, tout est vert de céréales. En été, tout est jaune d’éteules. Les petits villages, et il y en a si peu, vivent hors du temps. Alors avancer ainsi, dans un décor monotone, sans surprise, si ce n’est parfois un buisson ou une fleur, est un vrai défi qui réclame une vie intérieure intense. Certains détestent, d’autres adorent. Certains apprécient un moment, puis après détestent tout à fait. La vie est ainsi faite. Vous vous en ferez votre propre idée de cette épreuve. Maintenant si vous passez ici comme nous par mauvais temps, vous comprendrez que nous n’avons guère que de magnifiques déserts à vous présenter. Ainsi va la vie du Camino francés.

Difficulté du parcours : Les dénivelés de l’étape (+181 mètres/-185 mètres) sont à nouveau insignifiants. Sur l’étape, il n’y a guère que deux ou trois petites côtes, en montée et en descente où la pente avoisine les 15%. Mais pour très peu de temps.


Dans cette étape, la grande partie du trajet se passe encore sur les chemins. En Espagne, en dehors des villages et des villes, les routes goudronnées, pour la grande majorité, comportent des bandes herbeuses ou de terre sur les bas-côtés. Ainsi, le Camino francés est avant tout un vrai chemin, si on le compare aux autres chemins de Compostelle en Europe, où les parcours ne sont qu’à moitié sur les chemins :

  • Goudron : 5.5 km
  • Chemins : 14.1 km

Nous avons fait le parcours jusqu’à León d’une traite, dans un printemps froid et pluvieux. Dès lors, de nombreuses étapes ont été faites sur un sol détrempé, le plus souvent dans la boue collante.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Le parcours remonte sur le haut plateau.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours en montée constante, la plupart du temps assez douce.

Il pleut depuis hier soir sur la Meseta, et la pluie va durer encore. Mais, comme on dit, la pluie n’arrête pas le pèlerin, non ? A la sortie de Hornillas del Camino, le chemin va remonter sur le haut plateau. Ici, on va tout de même s’élever de 100 mètres sur 4 kilomètres. On ne voit presque rien, tant la pluie tombe à verse.

Nous nous excusons pour la piètre qualité des images. C’est tout ce que nous avons réussi à sauver du début de l’étape. Mais vous ne perdrez rien, maintenant que vous connaissez bien la géographie de la Meseta.

La Meseta est toujours aussi vaste avec ses champs de céréales et ses terres plantées d’engrais vert. Aujourd’hui, le large chemin de terre est complètement détrempé. La boue colle irrémédiablement aux chaussures, et il faut faire un effort pour les décoller.
Une pluie fine et un vent à décorner les bœufs cingle le visage et le sol se charge de plus en plus d’eau. Sous la pèlerine qui goutte, on voit tout de même que la pente n’est pas très prononcée.
Plus haut, l’horizon s’ouvre encore, toujours plus vaste. On devine que la pluie va peut-être cesser. C’est souvent ainsi dans la Meseta sous la pluie. Le temps est variable, même quand il pleut. Nous avons fait de nombreuses étapes sous des trombes d’eau matinales. Puis, souvent, la pluie cessait enfin de matinée. Vous me direz qu’il n’y a qu’à consulter la météo et partir plus tard. Sans doute oui, mais la météo est -elle vraiment fiable ?
Après 3 kilomètres de montée, parfois douce, parfois un peu plus sévère, le chemin détrempé arrive sur le haut plateau. De nombreuses flaques d’eau emailent la terre ingrate. Vous allez coller par ici et la boue épaisse avalera vos chaussures. Et pour nous faire taire, aussitôt la pluie cesse sur un espace devenu infini.

Section 2 : Quelques ondulations sur la Meseta.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.


Alors, loin, sous vos pas, s’étend la majesté de ce désert de céréales. Plus loin, il n’y a plus de repères. Il n’y a que le ciel et la terre, rien de vertical où le regard puisse s’accrocher, et le chemin qui fuit au loin, droit. Cela ouvre votre imaginaire dans cet espace très peu balisé, avec un horizon sans cesse repoussé devant vos yeux.

Au bout du plateau, c’est encore plus loin, toujours plus loin Devant vos yeux, le chemin se dilue à l’horizon.

Le désert, c’est comme un grand livre ouvert sur l’infini, qu’il soit vert comme ici ou couvert de dunes. Il suscite presque toujours chez la plupart d’entre nous une vraie fascination, étant à la fois une source d’émerveillement et de questionnement, une confrontation totale avec un absolu de peur et de liberté. Notre esprit vagabonde vers un horizon qui n’en finit jamais. La Meseta défile, offrant une majesté à couper le souffle, un univers presque enchanté. On se sent un peu comme le Petit Prince de St Exupéry qui s’extasiait devant la beauté du désert. Contrairement à ce que beaucoup de gens imaginent, l’agoraphobie n’est pas la peur de la foule. C’est plutôt l’inverse, la peur du vide, une anxiété liée à des endroits d’où il pourrait être difficile de s’échapper en cas de panique. De nombreux pèlerins témoignent de cet état d’âme en traversant de tels endroits. D’ailleurs, il n’est qu’à voir serpenter devant soi le chemin dans un horizon toujours plus large. Par bonheur pour les inquiets, il y a toujours quelques pèlerins devant ou derrière soi.

D’ailleurs pour les inquiets des espaces trop ouverts, on annonce des “albergue” à des distances un peu raisonnables. Le chemin redescend alors progressivement du haut plateau. Ici, la pente est un peu plus prononcée.
Plus bas, la pente s’amenuise et le chemin dodeline dans les champs.
On vous annonçait l“albergue” de San Bol à 800 mètres. Mais ce n’est qu’illusion. Ici, ce n’est que la route qui vous amène là-bas. A considérer le paysage alentour, le village n’est pas proche, et personne ne vous dit si San Bol est plus près que Hontanas, à 5 kilomètres d’ici. Dans la vallée appelée Arroyo San Bol, il y avait autrefois un hameau appelé San Baudilo, et au cours des XIVème et XVème siècles, il y avait un hôpital de pèlerins et un monastère dirigé par les moines Antonins. Pour une raison inconnue, le hameau a été abandonné au début du XVIème siècle. Il n’en reste aucune trace, si ce n’est une petite “albergue”.
Le large chemin de terre, qui est presque du sable ou de l’argile ici, remonte alors sur le haut plateau en pente douce, dans les céréales, avec parfois de petits murets de calcaire, dont on ne sait s’ils sont naturels ou artificiels, créés lors de l’épierrement des champs.
Quand on relève la tête, le regard porte naturellement sur le lointain, ici sans cesse renouvelé, toujours le même. Et le lointain est loin devant vous, c’est sa raison d’être. Et les champs défilent à nouveau, immenses, infinis, des deux côtés de la route…
… jusqu’à croiser une petite route goudronnée, qui doit plaire aux tracteurs. A cette période, on ne voit aucun travail dans les champs. Il faut savoir que les blés de printemps, on les plante en automne et qu’il n’y a pas grand-chose à faire avant que le blé ne lève et qu’il faille alors travailler un peu avec Syngenta et les autres entreprises du même poil, pour leurs magnifiques miasmes de pesticides. La Voie 1 du chemin vers le Portugal nous accompagne encore.
Plus loin, le chemin traverse une zone qui devient un véritable régal pour le marcheur en temps pluvieux. Ici, il faut trouver des zones herbeuses pour poser ses semelles ou alors patauger dans la gadoue. Les sols sont le plus souvent un mélange de sable, de limon et d’argile, et c’est de leur pourcentage respectif que dépend la perméabilité du sol. Plus il y a de sable et de limon, plus le sol absorbe l’eau. Mais lorsque la balance penche du côté de l’argile, assez compact et imperméable, l’eau reste en surface et est mal absorbée.

Section 3 : En passant par Hontanas.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Cette traversée ici sur la Meseta est sage aujourd’hui, voire plaisante, à part la boue tenace, car ici le chemin évite d’avancer parallèlement à la route, comme il le fera, hélas presque à chaque occasion, dans les étapes ultérieures. Alors, vous prêtez attention à des détails sans grande importance. Il faut bien meubler le vide. Devant nous, une pèlerine, qui voyage seule, évite tant bien que mal les flaques d’eau et la boue collante. Elle n’avance pas vite. On la devine faire de la patinette, et sa cape rouge se rapproche devant vous.
Un panneau apparaît au bord du chemin. Dans cette “albergue”, on vous proposera le bonheur, la totale, le Wiki, le garage à vélos, la niche pour le chien, la machine à laver. Vous pourrez même payer avec la carte Visa. Du luxe, quoi !
Et le chemin défile ainsi, monotone et toujours aussi grandiose, sans doute souvent aussi dans la boue du printemps. Ici, peut-être construit-on une nouvelle “albergue”, avant d’arriver à Hontanas. Vous nous le direz plus tard en passant par ici. Les premiers hébergements sont toujours les mieux servis, car les pèlerins hésitent d’aller plus loin, surtout s’ils n’ont pas réservé à l’avance. Sur le Camino frances, de nombreuses “albergues” ne favorisent pas les réservations. Mais au printemps, il y a de la place pour tout le monde. En saison, lorsque le Camino fait le plein, il peut y avoir une compétition plus serrée entre les pèlerins pour trouver de la place, dans des régions comme celle-ci où le logement est plus restreint. Alors, certains partent plus tôt le matin, pour ne pas devoir dormir à la belle étoile.
Plus loin, la boue s’estompe, presque comme un miracle, quand le chemin se dirige vers l’extrémité du haut plateau. Sur les cartes détaillées de la région, il y a nombre de lieudits, sans doute correspondant à des régions entières de cultures, qui disent quelque chose aux paysans. Mais, pour le pèlerin, il n’y a que des champs d’un village à l’autre, et les villages ne sont pas légion. Peu s’en faut !
Le village n’est pas loin, à voir la publicité qui s’affiche. Faites votre choix, si vous n’avez pas réservé.
Et justement apparaît un village, qui ne se découvre que subitement au regard, juste en dessous de l’extrémité du haut plateau.
La pente est assez marquée, entre10% et 15% pour gagner sur le chemin caillouteux Hontanas, blotti et compact dans le fond d’un vallon. Il ressemble à un vrai bijou, beau comme un bonbon de sucre.
Chemin faisant, il y a un petit ermitage, grand comme un mouchoir de poche, dédié à Ste Brigitte. Une statue un peu kitch et sombre de la sainte est lovée dans une niche./
De nombreux pèlerins passeront la nuit ici, dans ce charmant village de pierre serré autour de son église, l’église de l’Immaculée Conception, bâtie en style gothique, au XIVème siècle, amendée avec le temps en style néo-classique. Hontanas signifie fontaines, et on comprend bien pourquoi un tel lieu s’est développé depuis le Moyen-âge, où il y avait déjà ici un hôpital pour pèlerins.
Le Camino quitte le village, et sitôt après, il repart aujourd’hui dans la boue compacte et les flaques du chemin.
Ici, nous marchons dans un petit vallon, parallèle à la route qui va vers Castrojeriz. On a presque oublié maintenant les coréens qui se sont fondus dans la nature et la boue du chemin. On n’entend même plus parler américain, c’est tout dire que la Meseta est un grand désert.

Section 4 : Dans le vallon du Garbanzuelo.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Dans le vallon du Garbanzuelo qui mène vers Castrojeriz, le paysage est plus contrasté qu’auparavant. Les immenses champs de blé ont laissé place à de plus petits champs, entrecoupés de lande et de petits bosquets de pins.
C’est le plus souvent un sentier aujourd’hui défoncé courant à flanc de colline. Parfois des murs longent le chemin bordé de ronces et d’herbes sèches. On ne dira pas que c’est le paysage le plus séduisant de la Meseta.
Plus loin, la boue tenace s’invite à nouveau sur le chemin. Les plus intrépides pataugent, avec allégresse ou résignation, dans la gadoue, les moins courageux empruntent les bords des champs pour éviter de s’enliser.
Dans ce paysage tristounet, et difficile par mauvais temps, même la publicité pour une logement ne redonnera pas le sourire aux marcheurs.
Le chemin va évoluer ainsi pendant des kilomètres entre les champs de blé et la colline pelée, sur la terre presque asséchée ou la boue. Dans ce vallon qui s’étire sans fin et s’enfonce on ne sait jusqu’où, l’endurance psychologique et physique est mise à l’épreuve et débouche souvent sur l’ennui. Ici, même par beau temps, ce ne dit pas être un parcours à déclencher l’enthousiasme de ses visiteurs.
Plus loin, c’est la boue compacte, et le pied avance autant qu’il recule. Par bonheur, on aperçoit aujourd’hui la fin de l’épreuve.
Après ce gymkhana aujourd’hui acrobatique, le Camino arrive sagement sur la route qui mène à Castrojeriz.
Alors, pendant plus d’un kilomètre, les pèlerins vont suivre la route ou la bande herbeuse, à leur choix, sous les saules et les peupliers noirs. La circulation est ici dérisoire et les chaussures sont au sec.

Section 5 : Sur la route vers Castrojeriz.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Au détour de la route apparaît le monastère de San Anton, ou du moins ce qu’il reste. Le monastère remonte au XIIème siècle, mais les ruines gothiques actuelles datent principalement des XIVème et XVème siècles, et l’arc date du XVIème siècle. Le déclin du monastère commença au XVIIIème siècle, jusqu’à ce qu’il soit définitivement abandonné et qu’il devienne propriété privée à la fin du XVIIIème siècle. Tout ceci coïncide avec l’évolution de l’Ordre des Antonins. L’Ordre fut fondé en 1095, puis sanctionné comme ordre monastique en 1218 et comme ordre religieux en 1248. Au XIXème siècle, la congrégation très réduite fut canoniquement rattachée à l’Ordre de Malte. En Espagne, l’Ordre s’éteint par une bulle papale en 1791, divisant ses actifs et ses revenus entre les hôpitaux, les églises locales et les mairies.
La route passe sous les voûtes des arcs du portique. Il reste une partie de l’église à trois nefs, mais le monastère disposait, au Moyen-âge d’un hôpital. C’était l’ancien monastère et hospice de l’Ordre des Antonins, fondé en France en hommage à Saint Antoine d’Égypte (San Antón Abad), saint patron des animaux, généralement représenté avec un cochon à ses pieds. Le symbole sacré de l’ordre était la croix en forme de T connue sous le nom de Tau, 19ème lettre de l’alphabet grec et symbolisant la protection divine contre le mal et la maladie. En fait, les Antonins, on les a déjà rencontrés sur les chemins de Compostelle en Isère et dans le Gers, en France. Les Antonins se consacraient aux soins des malades qui marchaient sur le Chemin de Compostelle. Ils s’étaient spécialisés dans le traitement des pèlerins atteints du “feu de St Antoine”, une maladie causée par le champignon, l’ergot de seigle qui provoquait une sensation de brûlure à l’intérieur du corps de ses victimes. Ce fléau, dont l’apparition est documentée au Xème siècle, a atteint des proportions épidémiques du XIème au XIVème siècle. Les moines soignaient aussi les pèlerins souffrant de peste porcine. C’est pourquoi San Antón est représenté dans l’iconographie par le feu et avec un cochon à ses côtés.

Saint Antoine le Grand (vers 251-356 après JC), également connu sous le nom de Antoine d’Égypte, San Antón Abad, Antoine du Désert, Antoine l’Anachorète, Antoine de Thèbes, Abba Antonius ou encore Père de tous les moines, était un saint chrétien d’Égypte. Il est souvent considéré à tort comme le premier moine, mais il y eut de nombreux ascètes avant lui. Cependant, ils sont généralement devenus ermites. Antoine le Grand fut le premier d’entre eux a lancer un mouvement religieux monastique spontané. Bien qu’Antoine lui-même ait vécu dans la solitude et n’ait pas essayé d’organiser ou de créer un monastère, une communauté s’est développée autour de lui sur la base de son exemple de vie ascétique et isolée. Vers 305, après avoir vécu dans une solitude totale pendant une vingtaine d’années, Antoine sortit de sa retraite et se consacra alors à l’instruction et à l’organisation du grand corps de moines qui s’était formé autour de lui. Sa règle représenta l’une des premières tentatives de codification des directives de la vie monastique. Puis il se retira à nouveau dans le désert entre le Nil et la mer Rouge, où il passa ses 45 dernières années.

Puis, la route repart sous les peupliers noirs. Rapidement, on aperçoit au loin Castrojeriz et le château au-dessus de la colline.
Le bourg paraît proche. Méfiez-vous, car il y a bien près de 3 kilomètres pour y aller et c’est tout droit. Alors, vous aurez tout loisir de voir s’agrandir devant vous la colline et son château perché sur la hauteur. Ce genre de trajet ne provoque jamais d’enthousiasme chez le pèlerin, mais il a l’avantage de pouvoir frotter ses godasses boueuses, de les décrotter dans l’herbe, en marchant sur la bande de terre herbeuse au bord de la route.
Au début de la cité se dresse Nuestra Señora del Manzano (Notre-Dame du Pommier) l’ex-collégiale Santa María del Manzano, à l’extérieur de ce qui reste des remparts de la vieille ville. C’est le plus ancien édifice religieux de Castrojeriz, dont les origines remontent peut-être au IXème siècle. Jadis, elle avait rang de collégiale, autrement dit une église importante avec un chapitre, sans être une cathédrale. Du XIème au XIIème siècles, elle fut rebaptisée abbaye. La construction de cet imposant et magnifique édifice actuel, à trois nefs, commença au début du XIIIème siècle dans un style roman ogival, un style roman tardif de transition à voûtes gothiques. Puis, il y eut de nombreuses transformations au cours des siècles suivants, et l’édifice évolua de plus en plus vers le baroque. Le pignon fut rajouté au XVIIIème siècle. La légende dit que, alors que St Jacques passa par ici, il vit une image de la Vierge dans un pommier. Il fut si excité qu’il tomba lourdement sur son cheval, laissant derrière lui des empreintes de sabots que l’on peut voir incrustées dans la roche juste à l’extérieur de la porte sud de l’église.
A notre passage ici, dans ce bien déclaré d’Intérêt Culturel en 1974, on trouva porte close. Surprise ? Pas vraiment. Alors, les retables, les chapelles, les peintures et les tombeaux des illustres personnages locaux, vous pouvez faire une croix dessus.

Par contre, si vous aimez le kitch, alors voici un cadeau pour vous. De très bon goût, bien sûr. La culture, peu importe, mais le lit et la nourriture, oui.

Au-dessus de la collégiale se dressent les ruines du château. Les ruines sont ce qu’il y a de plus ancien à Castrojeriz, car de nombreux peuples sont passés par ici. Il y eut un village dans cette région depuis l’époque celtique. Puis, ce fut une cité romaine, peut-être fondée par Jules César, utilisant ce point de vue pour protéger la route vers leurs mines d’or à proximité d’Astorga. Certains disent que le château aurait été construit par le roi wisigoth Sigerici au XIXème siècle, appelé ainsi Castro Sigerici ou Castrojeriz, d’où le nom de la cité. La cité fut par la suite le théâtre de nombreux combats entre chrétiens et maures aux IXème et Xème siècles. Elle prit de l’importance lors de la Reconquista, cette période du Moyen-âge où les chrétiens reprirent les terres aux musulmans, une longue période du VIIème siècle au XVème siècle, lorsque les rois catholiques reprirent Grenade, le dernier bastion, aux musulmans. Ici, le château et les forteresses devinrent carrière de pierre au XVIIIème siècle. Les ruines actuelles sont le résultat du tremblement de terre de Lisbonne en 1755. La colline sous le château est alvéolée de tunnels contenant des bodegas construites pour garder le vin au frais.

Castrojeriz (800 habitants) n’a pas vraiment de centre. C’est une succession de routes parallèles qui sillonnent sans fin le bourg, une succession de maisons plus récentes ou anciennes, où se mêlent la pierre et la brique. Castrojeriz est la dernière ville du Camino dans la province de Burgos. Elle développa alors une rue, qui reste encore la plus longue du Chemin de Compostelle, près de 2 kilomètres entre la route et la colline. Il faut compter une bonne demi-heure pour parcourir sa longueur. De ce fait, on l’appelle aussi à juste titre “ la longue ville”. Mais, il n’y a pas qu’une rue. En fait, il y a 3 rues qui parcourent la ville dans le sens de la longueur, avec des jonctions perpendiculaires, souvent par de petits escaliers.

Quand vous venez de Nuestra Señora del Manzano et que vous suivez le Chemin de Compostelle fléché, vous allez vite grimper par la rue du haut, la plus longue. Tout le village est dallé, avec des dalles irrégulières, entravant souvent une marche régulière, mais avec une dalle centrale plus confortable. Les deniers européens ont dû circuler aussi par ici.
Plus haut, vous arriverez alors à l’église de Santo Domingo.
Cette église solide du XVème siècle est connue surtout pour ses têtes de mort ou ses croix stylisées qui ornent la façade.
Plus loin, la route gagne la place du Fuero, une douce esplanade qui donne sur la plaine en dessous.
C’est l’avènement du Camino de Santiago au Moyen Âge qui a apporté à Castrojeriz sa prospérité. Le Chemin de Saint Jacques s’ouvrit aux pèlerins qui arrivèrent ici en masse. A une époque, on compta ici jusqu’à sept “hospitales“ pour loger les pèlerins, plus de six églises et trois couvents. Il y a même une église qui est devenue une “albergue. Peu après, vous serez près du sommet du village à la Plaza Mayor. Certes, c’est le centre, mais y-a-t-l vraiment un centre dans ce village complexe ? Ce n’est pas ici que sont groupés les restaurants ou les commerces. Ceux-ci sont répartis dans les 3 rues passantes. Il faut souvent voyager d’une rue à l’autre pour trouver que l’on cherche, notamment les logements ou les auberges peu nombreuses.
Depuis, la Plaza Mayor, la rue étroite se dirige en direction de l’église San Juan, elle aussi sur les hauteurs du village. On a parfois le sentiment que toutes les maisons ne sont pas habitées.
L’église de San Juan est un édifice gothique remontant au XIIIème siècle, à l’aspect de forteresse. Elle a trois nefs et trois absides, des piliers ronds et des voûtes d’ogives. L’abside et la tour semblent être l’œuvre des premières décennies du XIIIe siècle. On restaura par la suite l’édifice au XVème et XVIème siècles.
Si l’édifice est clairement gothique, les statues et les autels ont plutôt un air baroque. Il y a aussi un cloître attenant remontant aussi à l’origine au XIIème siècle, transformé par la suite.
Au niveau de l’église, c’est presque l’extrémité du village, C’est par ici que vous passerez le lendemain. Mais, si vous logez de l’autre côté du village, il vous faudra traverser longuement le village pour arriver ici. Alors, pour vous aider, juste derrière l’église, le Camino trouve une fontaine et sort du village dans des intersections de routes.
Les pèlerins doivent organiser leurs loisirs, débarquant souvent en début d’après-midi à la fin des étapes. Et la journée est longue, très longue jusqu’au repas du soir. Alors, après le bar, les ablutions, la pette lessive, la sieste, ils errent dans les rues à la recherche d’une possible surprise. Alors ici, à Castrojeriz, il y a le choix de se refaire une étape entière, rien qu’en tournant dans les 3 rues parallèles du village. Dans une des rues du bas, vous allez trouver une place démesurée où on pourrait ranger plusieurs régiments.
Un monument au pèlerin, en ferraille, veille à la destinée de la place.
Et puis, en jonglant d’une rue à l’autre par les escaliers, vous pouvez vous faite une idée de ce qui est encore habité dans ce village tentaculaire.

Logements


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Etape suivante : Etape15:  De Castrojeriz à Frómista
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