15: Castrojeriz à Frómista

Dans une Meseta un peu plus éloignée des routes

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du Camino. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-castrojeriz-a-fromista-par-le-camino-frances-33853561

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en Europe de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours. Cliquez sur le titre du livre pour ouvrir Amazon.

Le Chemin de Compostelle en Espagne. VIIA. De St Jean-Pied-de-Port à León par le Camino francés

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

La Castille y León est le grenier de l’Espagne. On y cultive le blé et l’orge, presque à égalité, et nettement moins d’avoine ou d’autres espèces. La superficie dédiée au maïs en Espagne est nettement inférieure. C’est dans la région de León que l’on retrouve surtout le maïs. La Meseta, c’est tout de même près de 2 millions d’hectares, quelque chose comme la moitié d’un pays comme la Suisse.

Dans l’étape du jour, la Meseta est assez agréable. Le parcours est presque toujours loin des routes, il nous est agréable de le signaler. Ce sont de très larges chemins de terre qui sillonnent les champs de céréales. Nous avons moult fois répété les mêmes histoires, ressassé tel ou tel aspect du panorama. Nous le ferons encore. Mais, évidemment, il n’est pas aisé de monter de nombreux détails, qui n’existent guère dans ce désert vert au printemps. Et comme il est d’usage dans la Meseta, les villages se comptent sur les doigts d’une seule main, et encore moins. Ici, il n’y en a que deux sur une étape de 25 kilomètres. Mais tous ces villages possèdent une infrastructure remarquable, ce qui fait le charme et la précision du chemin de Compostelle en Espagne.

Difficulté du parcours : Les dénivelés (+226 mètres/-240 mètres) sont à nouveau très faibles. Mais, vous n’y fiez pas, ai vous croyez que ce seront les vacances. Les vacances, oui, s’il fait beau, et après avoir achevé la montée sur la colline à la sortie de Castrojeriz, à près de 15% de pente sur deux kilomètres.


Dans cette étape, comme on l’a dit plus haut, aujourd’hui les chemins ont nettement la priorité. En Espagne, en dehors des villages et des villes, les routes goudronnées, pour la grande majorité, comportent des bandes herbeuses ou de terre sur les bas-côtés. Ainsi, le Camino francés est avant tout un vrai chemin, si on le compare aux autres chemins de Compostelle en Europe, où les parcours ne sont qu’à moitié sur les chemins :

  • Goudron : 4.1 km
  • Chemins : 21.2 km

Nous avons fait le parcours jusqu’à León d’une traite, dans un printemps froid et pluvieux. Dès lors, de nombreuses étapes ont été faites sur un sol détrempé, le plus souvent dans la boue collante.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Ici, il vous faudra passer sur la montagne.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : la seule vraie difficulté de l’étape du jour.

Ce matin, ici, la température est de 2 degrés. On annonce la pluie, le vent et peut-être même de la neige. Et, c’est vrai, il pleut déjà sur la Meseta. Partons de l’église San Juan, à l’extrémité du bourg. Le Camino descend vers le carrefour des routes au bas de la cité.
Sur le chemin les pèlerins sont alignés comme pour partir à la guerre. Le Camino traverse une petite route à la sortie du bourg et gagne la plaine, dans les champs de blé. On pressent que la pluie va durer car de lourds nuages noirs se chargent dans le lointain. D’ailleurs, les pèlerins ont déjà revêtu leur combinaison de pluie.
Ici, c’est sans surprise. Les pèlerins ont consulté leurs notes : 2 kilomètres de plat, puis le passage par la montagne. Au loin on voit déjà serpenter le chemin dans la montagne.

Plus loin, le chemin passe à une bifurcation près de l’Odra.

Autrefois, il y avait ici un pont roman. Le chemin passe sur un autre pont, aujourd’hui humide et glissant. La rivière coule, paisible, sous les peupliers noirs. La montée sur la colline n’est pas loin.

Devant vous s’offre le plat de résistance. La montée sur la montagne, c’est tout de même près de 150 mètres de dénivelé sur un grand kilomètre, avec des pentes oscillant entre 10% et 15%.

C’est surtout le départ qui sait se montrer raide sur un large chemin, parfois assez caillouteux. Les flancs de la colline sont zébrés des filons de mica qui étant extraits à l’époque romaine.

Les cyclistes qui font le Camino francés sont de plus en plus nombreux. En se retournant, on les voit alignés, en file indienne, sur le chemin.

Ici, le paysage est un paysage de lande dénudée et de terre glaise. C’est beau, d’une sublime sauvagerie, qui tranche d’avec les champs de céréales, qui deviennent hélas insipides par trop grande répétition. Par temps de canicule, c’est encore ici plus pénible que par temps de pluie.
Les vététistes défilent, courbés sur leur machine, le souffle court. Ils n’avancent pas tous à la même vitesse. Peu importe ! On attendra le dernier au sommet de la montagne.
Les espagnols assimilent ce chemin à une “colada”, une “draille” comme pour le transport du bétail en France, dans l’Aubrac. Certains pèlerins ont le pas plus lourd et peinent sous leur charge dans les endroits plus difficiles du chemin. Ce sont souvent des dames d’un certain âge, souvent américaines ou asiatiques, qui marchent seules avec courage et détermination. Mais, la délivrance, est proche, car le chemin arrive au sommet de la montagne.
Le chemin arrive alors à l’Alto de Mosterales. Les Espagnols l’appellent aussi le Pico del Francés, pour faire plus sévère. Au sommet de la montagne, tout le monde reprend son souffle et les cyclistes attendent leur dernier camarade. En se retournant, Castrojeriz s’estompe dans le lointain et disparaît de la vue.
Alors, le chemin file à plat pour quelques instants sur le haut plateau, au milieu des champs de céréales. Dans ce pays de vent et de froidure qu’aucun obstacle ne contredit, les arbres ici se comptent sans difficulté.

Section 2 : Quelques ondulations dans l’immensité de la belle Meseta de Mostelares.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans problème, après la descente raide de la montagne.

Le chemin part encore à plat quelques instants avant de descendre. De là-haut, le site est grandiose, avec souvent cette sorte de sérénité qui marque souvent le pèlerin. C’est comme si le temps s’arrête. Tout est en place pour que l’âme s’affole, avec encore en plus ce soupçon de brouillard qui s’insinue et descend sur les lointaines collines à l’horizon.

Et voilà qu’il se met à neiger, lorsque le chemin amorce la descente. Dans ce printemps pluvieux, la pluie ne surprend plus personne, mais la neige, tout de même ? C’est beau comme un cadeau du ciel.

La descente est glissante dans ces conditions, avec des pentes initiales dépassant nettement les 15%. Ici, on a coulé du béton pour rendre le passage plus aisé. La neige cingle les visages. Les pèlerins en garderont des souvenirs tangibles pour leur famille et leurs amis. Venir en Espagne, dans le pays de la canicule et trouver de la neige. Cocasse, non ? Les images vont faire jaser ce soir dans les “albergue“.
Plus bas, la pente s’adoucit et le chemin de terre reprend assez rapidement ses droits. On voit devant soi le chemin, souvent bordé d’herbes folles au printemps, se perdre dans un horizon fort lointain. C’est vert, magique, comme un tableau de peintre flamand.
Les cyclistes sont repartis et la neige a cessé. La pluie et le vent se sont mis de la partie dans un océan de céréales sous un ciel bas chargé de nuages noirs. C’est une pluie lourde, toujours opiniâtre, parfois hargneuse, qui ruisselle sur la boue du chemin.
Et les champs défilent à nouveau, immenses, infinis, des deux côtés du chemin. Ces paysages remplis de vide, cette nature à perte de vue, on dirait des portes qui s’ouvrent sur l’invisible. Aujourd’hui, le grenier est vert. Mais, plus tard, ces étendues de céréales prendront, au temps de la moisson, le ton ocre des sables des grands déserts africains. La moisson se passe souvent au mois de juin, quand les hordes de pèlerins sont de passage sur le chemin.
Le chemin retrouve alors une zone de délice pour le marcheur en temps pluvieux. Ici, il faut trouver des zones herbeuses pour poser ses semelles ou alors patauger dans la gadoue, dans la terre glaise. De nombreux pèlerins passent alors plutôt le long des champs. Mais, est-ce vraiment plus réconfortant ? Ici, certaines surfaces sont encore recouvertes d’engrais verts ou ont déjà été labourées. Les paysans ont dû prendre du retard cette année et il faudra attendre que le sol s’assèche pour que les tracteurs ne s’embourbent pas, avant de planter vraisemblablement du maïs.
C’est l’extase, le plaisir absolu. Le sol se charge d’un peu plus de fer et on aperçoit bientôt la colline au bout du haut plateau.
Au sommet de la colline, il y a une place de pique-nique, le Fuente del Pojo, (Fontaine du Pou) où sans doute aucun pèlerin ne s’arrêtera aujourd’hui sous la pluie pour allumer le barbecue. Pourtant, il y a une source d’eau fraîche et le seul lieu ombragé de cette zone. Le pèlerin attendra sans doute la prochaine “albergue” pour refaire le plein d’énergie.
Le Camino repart alors à plat sur la route goudronnée. Il arrive parfois aussi que les pèlerins bénissent l’asphalte salvateur.

Section 3 : En passant par le pont roman sur le Rio Pisuerga.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Il pleut toujours aussi fort sur la Meseta. Le vent souffle violemment en bourrasques, venant du sud-ouest. Il n’y a pas grand obstacle pour stopper le vent dans ces régions parfois plates comme la main. Le Camino suit un peu la route rugueuse. Devant vous, des hangars, le seul signe tangible de la présence des paysans dans le pays, car il n’y a jamais de ferme isolée et les hangars sont tous rangés à la périphérie des villages.
Un peu plus loin, le Camino repart sur un chemin de terre, aujourd’hui complètement détrempé, comme une éponge où l’eau ruisselle de partout. Le pied s’enfonce et traîne avec lui la boue tenace.
Le chemin passe bientôt à l’ermitage de San Nicolás de Puente Fitero, un édifice roman tardif remontant au XIIème siècle, rénové récemment par des volontaires de la Confraternité de St Jacques de Compostelle de Perugia, en Italie. On sait qu’il a appartenu aux Chevaliers de Malte, un ordre qui protégeait les pèlerins du Moyen-âge. Aujourd’hui, des volontaires assurent l’accueil, proposant même le lavement des pieds. C’est aussi un endroit choisi pour se faire tamponner le “credencial”, en écoutant religieusement un volontaire qui raconte le lieu et ne s’exprime qu’en espagnol.
A deux pas de l’ermitage le chemin arrive sur le pont romain jeté sur le Rio Pisuerga. Ce pont est cité dans le Guide du Pèlerin du Code Calixtinus, comme une preuve que le chemin passait bien par ici. Le Puente Itero (dit aussi Paso Itero, Puente Fitero) est un pont à 11 arcades. Ce pont était jadis la frontière historique entre Castille et León dans une région fort disputée tout au long du Moyen Âge. Le pont original fut construit par le roi Alphonse VI de Castille et León à la fin du XIe siècle pour unifier les royaumes de Castille et León. Il était à l’origine de style roman, mais fut modifié à l’époque gothique. Ainsi, certaines des voûtes sont semi-circulaires et d’autres ogivales. Le remaniement du XVIIème siècle conserva le style roman d’origine. C’est l’un des ponts les plus longs du Camino. Les 11 arches ne sont pas toutes visibles aujourd’hui car certaines sont partiellement enterrées par des terres agricoles à côté du pont.
Le Rio Pisuerga est une assez grosse rivière. Contrairement à la France, où le parcours ne rencontre la plupart du temps que de petits ruisseaux, ici, en Espagne, ce sont souvent de gros cours d’eau. C’est un paradoxe pour cette partie plate du pays, mais, la région n’est pas si éloignée des montagnes de la Cantabrie qui bordent le pays au nord, près de la mer. En passant le pont, on entre dans la province de Palencia, une des 9 provinces de Castille y León. Si vous prenez le train de León à Burgos, vous passerez à Palencia. La province de Palencia se trouve dans la partie nord de la communauté autonome de Castilla y León, entre les provinces de Burgos et León. Il se trouve au nord de la Meseta Central, au sud de la Tierra de Campos. Le nord est traversé par les monts Cantabriques.
Le Camino suit alors la route qui mène à Itero de la Vega. La route longe des plantations de peupliers noirs.

Le peuplier est vraiment l’arbre symbole de toute cette région nord de l’Espagne, l’espèce la plus nettement représentée.

Rapidement on aperçoit le village.
Itero de la Vega se situe dans la région dite Tierra de Campos. Ce fut un lieu important dans l’histoire de la fondation de la Castille y León. Ses origines remontent au repeuplement de la région entre les IXème et Xème siècles, lors de la Reconquista. Au Moyen Âge, Itero de la Vega possédait un hôpital de pèlerins, aujourd’hui transformé en bar.
Aujourd’hui, la pluie redouble d’intensité. Le premier restaurant est littéralement pris d’assaut par les pèlerins. Après avoir marché plus de 10 kilomètres sous la pluie, il fait bon poser sa pèlerine à l’entrée et se réchauffer un peu en avalant un café, voire en dégustant un bocadillo ou une tortilla. Ici, même le grand père sert les cafés au bar avec diligence. Il y a foule, disons-le. C’est une règle essentielle du marketing, être bien placé. Les autres bars plus loin dans le village seront déserts, ou presque.
Et si on changeait un peu d’époque, un jour de grand beau temps. Sur la place du village, se dresse un rollo juridiccional, c’est-à-dire une colonne jurisprudentielle. Vous lirez plus loin à quoi cela sert. Ici, il est très sobre.

On remet sa pèlerine, réajuste le capuchon, et on traverse le village. En Castille y León, les villages sont nettement plus sommaires qu’en Navarre. Ils paraissent de structure légère, avec de nombreuses maisons en brique ou en pisé. L’absence de bois et de pierre a fait de la terre le matériau de construction naturel. A Itero de la Vega, il y a même des bodegas, des caves à vin assez présentes dans toute la campagne de Palencia. Ces caves construites sur les flancs des collines, stockent le vin local dans des salles souterraines fraîches.
Le Camino quitte le village, traverse une petite route départementale et s’en va sur un chemin gravillonné. Petit détail ici : les coréens disposent de vêtements très particuliers pour la pluie. Ce sont souvent des combinaisons intégrales avec manches, permettant de mettre à l‘abri son sac, ou non.

Dès que le chemin quitte les villages, d’ordinaire la Meseta se prive de peupliers noirs et on voit dans la campagne dénudée des champs se dérouler le chemin très loin à horizon. Chacun appréciera à sa manière cette sorte de de flânerie austère dans la Tierra de Campos (terre des champs), toute cette région souvent assez plate entre le Río Pisuerga et Río Cea à Sahagún. C’est une vaste zone agricole avec des rivières et des canaux qui irriguent les champs, principalement du blé avec une production de légumes et de vin. Il y a peu d’arbres qui offrent de l’ombre au soleil implacable ou qui coupent le terrible vent qui souffle ici par gros temps.

Section 4 : Un canal pour irriguer les champs.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le chemin part en direction du petit village de Carreboadilla, mais n’y va pas. Ici, on commence à trouver ces gigantesques bras articulés pour l’irrigation des champs. Peut-être pleut-il moins souvent ici, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il y a même quelques pieds de vigne, ce qui est rare dans la région.
Puis, la pluie cesse. Mais les pèlerins n’ôtent pas pour autant leur combinaison de pluie, car la pluie peut revenir à tout instant. Les pèlerines offrent souvent aussi une protection contre le vent, car maintenant, des rafales à plus de 50 km/heure vous lézardent le visage, et il faut lutter pour avancer contre le vent qui vient dans votre direction depuis le sud-ouest.
Alors, les pèlerins économisent leur salive, leurs bavardages inutiles. Il n’y a rien comme la pluie ou le vent en rafales pour faire disparaître les conversations superflues.
Peu après, le chemin passe près du canal del Pisuerga. On a dévié une partie de l’eau de la rivière pour la conduire dans un canal. Les espagnols ont trouvé de nombreux moyens pour irriguer leurs champs, car souvent l’eau manque dans ces régions de culture (mais oui !).
Depuis le canal, le large chemin de terre monte doucement et longtemps vers une petite colline. Quand on marche, par moments sur le Camino francés, on a le sentiment de voir une armée en retraite.

Ici, un pèlerin allemand revient de Santiago pour regagner son pays, avec sa charrette. Bravo ! On applaudit de ses deux mains gelées.

Sur cette autoroute où les pas des pèlerins qui vous précédent s’estompent avec le temps dans la boue épaisse, le sommet de la colline est là-haut près d’un petit bosquet. La pente est douce pour y arriver, le long des petites buttes couvertes de cyprès, de ronces fanées et d’herbes folles qui n’ont plus d’âge.
Ici, le vent est encore plus fort que tout à l’heure et s’engouffre dans la brèche qui marque le début de la descente. Nous n’aurons pas vraiment choisi la bonne année pour passer ici dans ce temps de Pâques pourri. Mais a-t-on vraiment le choix quand on s’embarque sur le chemin pour un mois ? Quoiqu’il en soit, les paysans espagnols sont encore moins bien chanceux que nous, non ?
La descente n’est pas longue, et les herbes couchées vous indiquent à coup sûr la direction du vent. Dans le lointain, on aperçoit le village de Boadilla del Camino. C’est plat, infiniment plat, sans fantaisie.

Section 5 : Dans l’immensité incommensurable de la Meseta.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le chemin parcourt alors, inlassablement, pendant des kilomètres des champs aussi vastes que l’Océan, verts comme le printemps, plats, s’étendant à l’infini sous le regard. Mais qu’est-on venu faire dans cette galère ? pensent les moins braves.

Ici, la terre semble plus imposante que le ciel nuageux qui s’y baigne. Sans doute plantera-t-on du maïs ici quand la terre sera moins gorgée d’eau. Le pays s’ouvre sur un espace si grand que nous nous sentons bien petits et insignifiants à côté d’un univers aussi vaste que l’on ose imaginer. Seules les éoliennes à l’horizon nous ramènent encore un peu à l’échelle des hommes.

Un peu plus loin, le chemin retrouve aujourd’hui les flaques d’eau et les peupliers noirs, en se rapprochant à nouveau de la civilisation.
Beaucoup plus loin, le chemin traverse le ruisseau de Barquillo et arrive à Bocadillo del Camino.
Comme dans tout village espagnol qui se respecte, l’église est presque toujours massive au milieu du village, derrière les maisons de brique rouge. L’église de Santa María Assunta date du XVIème siècle. Elle est connue pour d’exceptionnels fonts baptismaux romans du XIVème siècle, ses retables et ses autels. Mais, pour les voir, faudrait-il encore que l’église soit ouverte !
Quand nous sommes passés par ici ce jour-là, la pluie s’est mise à redoubler. Aussi, on préfère vous monter quelques images d’un autre passage, sous le soleil éclatant. Cela change nettement d’atmosphère. Revoici l’église.
La période de plus grande croissance a eu lieu ici aux XVème et XVIème siècles, lorsque le rollo de justicia, l’actuelle église Santa María Assunta et un hôpital pour pèlerins furent érigés. Le village était peuplé lorsque la section initiale du canal nord de Castilla fut construite à proximité à la fin du XVIIème siècle. Aujourd’hui, tout a fondu. Le village n’a qu’une centaine d’habitants.

C’est ici que se trouve le célèbre rollo juridiccional, c’est-à-dire une colonne jurisprudentielle, gothique, du XVème siècle, avec des motifs de coquilles Saint-Jacques, des animaux et des têtes de petits anges. C’est la colonne la plus riche en ornementations de tous les rollos d’Espagne. Cet ouvrage était le symbole de l’autonomie juridictionnelle accordée à la ville par le roi Enrique IV et confirmée par les Rois Catholiques Ferdinand et Isabelle en 1482. Il marque également l’endroit où les criminels étaient enchaînés et soumis à des formes cruelles et inhabituelles d’humiliation publique avant d’être jugés.

Section 6 : Le long du Canal de Castille jusqu’à Frómista.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

A la sortie du village, le chemin repart sur une longue ligne droite le long d’une allée de peupliers blancs. Il fallait bien varier un jour, et oublier un peu les peupliers noirs. Et toujours le vent qui cogne, gicle, contredit la marche et gonfle la pèlerine comme une baudruche.

Le petit jeu dure jusqu’à atteindre le Canal de Castille un peu plus loin. Le Canal de Castille, construit dans la dernière moitié du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXème siècle, traverse les provinces de Palencia, Burgos, et Valladolid. Le canal s’étend sur 207 km. Ici, nous sommes sur la branche nord. Alors que le canal moderne de Pisuerga, que nous avons traversé plus tôt, a été conçu exclusivement à des fins d’irrigation, le Canal de Castille assurait le transport des récoltes cultivées ainsi que l’énergie nécessaire pour faire tourner les moulins à maïs. Avec l’avènement des autoroutes, il est désormais cantonné à l’irrigation et aux loisirs. Il existe toutefois un projet de restauration du système de canaux avec ses 50 écluses d’origine.

Le Camino va suivre le canal pendant plus d’un bon kilomètre avant de se rapprocher de Frómista. Aujourd’hui, les petits bateaux de croisière ont remplacé les barques à blé.
Le Camino quitte le canal au niveau des écluses. Le canal de Castille et une ville histoire, qui remonte bien avant Franco. Son histoire débute au XVIIIème siècle. Elle connaîtra son apogée entre 1850-1860. A cette époque plus de 300 bateaux sillonnaient le canal pour le transport du blé, principalement. C’est un agencement complexe de canaux, avec de nombreuses écluses. A Frómista, c’est un endroit particulièrement spectaculaire. Ce sont les écluse N17, 18, 19 et 20, rachetant un dénivelé de 14 mètres, avec plusieurs embranchements. Ce canal paraît désuet de nos jours, servant surtout à l’irrigation et à un maigre tourisme fluvial.
Le Camino se dirige alors vers l’entrée de Frómista, en traversant une grande banlieue industrielle. Maintenant il pleut à seaux et le vent souffle à nouveau avec violence, en rafales. Il devient nécessaire de refermer les écoutilles de la pèlerine pour ne pas être submergé.
Pus loin, la route passe sous la voie de chemin de fer Palencia-Santander, où les trains ne doivent pas circuler toutes les heures.
La route gagne alors le centre d’un bourg assez dispersé (moins de 1’000 habitants). C’est un carrefour sur l’axe Palencia-Santander, situé lui au bord de la mer. Aujourd’hui, les marchands laisseront les bocadillos dans leur boîte.

Frómista est une petite cité située au milieu d’une riche région agricole et déjà, à l’époque romaine, elle était considérée comme un grand grenier à blé de l’Empire romain. Les Romains l’appelaient Frumentum, qui signifie en latin céréales. Au Moyen-âge, elle se développa grandement. C’est de cette époque que datent les églises de San Martín de Tours du XIème siècle, et l’église Santa María del Castillo, du XIIIème siècle. L’importance de Frómista pour le Camino est évidente dans le fait qu’il y avait ici plusieurs hôpitaux de pèlerins à l’époque médiévale.

Près du centre se dresse L’Église de Saint-Martin-de-Tour, solitaire, une magnifique église romane très bien conservée, qui occupe presque toute la grande place.

Elle faisait partie d’une abbaye bénédictine dépendant de Carrión, remontant au XIème siècle. En 1755, lors du terrible tremblement de terre de Lisbonne, une partie de l‘église fut détruite. On a restauré depuis l’église, et cette restauration a été contestée par de nombreux amateurs d’art romain qui ont vu des erreurs notoires dans la restauration. Quoiqu’il en soit, cet édifice est remarquable. Elle renferme notamment de magnifiques chapiteaux richement sculptés et bien refaits, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Comme dans toutes les églises romanes, l’intérieur de l’édifice est dépouillé, avec ses 3 nefs et ses absides d’inégale hauteur, recouvertes de voûtes en berceau. L’art roman incitera toujours au recueillement, ce que ne saurait faire l’étalage des ors et des bronzes du baroque ou du rococo. Mais, chacun selon ses goûts, comme on dit.

On trouve aussi deux autres églises dans le village, l’église Santa Maria del Castello…
…et surtout l’église San Pedro du XVème siècle, érigée en style gothique, puis transformée par la suite. On lui ajouta notamment la tour frontale, qui contient les cloches. C’est l’église paroissiale. Ici, on trouva porte close.

De tous temps, les églises ont joué et jouent encore un rôle important en Espagne. Il n’est qu’à mesurer la ferveur des processions lors de la Semaine sainte. C’est un pays encore plus ancré dans la tradition catholique que n’est l’Italie. Mais, ici, au cours des siècles, les églises n’ont pas uniquement servi comme lieux de culte. Elles étaient parfois de vrais refuges dans les époques troublées. Qu’un petit village comme celui-ci en compte trois, et pas minuscules, témoigne de cet état des choses. Certes, la cité a connu une période plus faste, mais aujourd’hui, on y voit surtout que des pèlerins qui passent la nuit. Les habitants du coin travaillent peut-être en majorité dans les champs de la Meseta. D’autres essaient de faire croire qu’il existe encore une idée de grandeur et de faste dans le village.

Pour vous changer de ce temps maussade, voici quelques images de ces monuments sous le soleil.

Logements


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Etape suivante : Etape16:  De  Frómista à Carrión de los Condes
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